Ces timbres rares ont été gravés sur du bois par un forçat anonyme. Faute d’avoir sous la main des artistes qualifiés pour exécuter les vignettes nécessaires, le service postal guyanais, pressé par le temps, a eu recours à la seule main d’œuvre disponible … les bagnards.
Il se trouve que le résultat n’est pas trop mauvais. Sans doute, il y aurait beaucoup à dire sur les insuffisances techniques de ces timbres.
Les nécessités postales ne sauraient se satisfaire d’un procédé aussi rudimentaire, mais le peintre André MARCHAND, qui est en même temps un critique de talent, considère ces vignettes primitives comme de petits chefs-d’œuvre dans leur genre : lignes sobres, équilibrées.
Le dessinateur, qui, probablement, n’a jamais tenté de cultiver son talent, avait des dons certains.
Ces timbres servaient à affranchir les colis d’or en provenance des placers de l’Inini ou de Saint-Laurent-du-Maroni, jusqu’à Cayenne, par la voie aérienne, au mois de juillet 1921.
Il est inutile de préciser que leur usage fut très limité et que, si l’on considère que la plupart ont été perdus, ils constituent des raretés philatéliques. Chacun d’eux vaut plusieurs dizaines de milliers de francs.
Regards a eu la chance de pouvoir photographier ces beaux spécimens qui ont été exposés, avec d’autres merveilles de la philatélie aérienne, à l’hôtel Royal, à Nice.
Leur cas n’est pas unique dans l’histoire du timbre-poste. Pour nous en tenir aux seuls timbres des colonies françaises, nous citerons deux cas analogues : la timbre ci-contre, qui représente avec une fidélité discutable, mais avec une naïveté touchante, les traits de l’empereur Napoléon III, de détestable mémoire, a été lithographier directement sur pierre, sans aucun procédé mécanique de reproduction, par le sergent Triquerat, de l’infanterie de marine, en 1859.
La Nouvelle-Calédonie, qui utilisait à l’époque les timbres passe-partout des colonies françaises à l’effigie de l’aigle impérial, manqua de figurine postale à un moment donné. La planche comprenant cinquante types exécutés à la main, tous légèrement différents. Les collectionneurs spécialisés recherchent ces types avec passion. On les trouve difficilement en bon état, pour un millier de francs environ.
Voici un autre timbre émis dans des circonstances analogues, pour le petit territoire de Diégo-Suarez, à Madagascar, en vertu d’un arrêté du 5 septembre 1890. Le gouverneur de la colonie qui manquait de timbres, chargea un artiste amateur de lithographier les vignettes. Une série de quatre timbres fut ainsi préparée. L’exécution est assez sommaire et dénote de la part du dessinateur un gout « pompier » certain. Le premier représente un bateau à vapeur d’un modèle antique. Deux autres rassemblent en une allégorie quelque peu figée l’image de la France tutélaire et celle d’on ne sait quelle déesse antique. Sur celui que nous reproduisons, sont les traits sommaires d’une femme blanche et d’une malgache. De mauvaises langues affirment que les modèles de l’artiste furent l’épouse du gouverneur et sa maitresse.
Ces timbres curieux ne sont pas aussi rares que les premiers cités. On les trouve assez couramment pour quelques centaines de francs. Malheureusement, il existe de dangereuses imitations de ces vignettes.