L’administration française met dix ans à suivre l’exemple des Britanniques qui, dès le 1er mai 1840, émettent le premier timbre-poste au monde, le célèbre “Penny Black”, à l’effigie de la reine Victoria. En France, en effet, ce n’est que le 24 août 1848 que l’assemblée nationale vote le décret établissant l’émission de timbres, et que le 1er janvier 1849 que le timbre-poste fait finalement son apparition dans l’Hexagone. Il est de couleur noire, comme son grand frère britannique, mais, la France n’étant pas une monarchie, il porte l’effigie d’une République qui, à cette occasion, a pris les traits de Cérès, la déesse des moissons.

Affiche, signée d’Etienne Arago, directeur-général des Postes, annonçant les nouvelles règles postales applicables au 1er janvier 1849. Lot 40000 de la vente du 17 au 22 juin 2024 de la maison David Feldman.
L’événement, il faut l’avouer, ne déchaîne pas immédiatement l’enthousiasme des foules. Les Français, en effet, jugent l’initiative de la Poste de la dernière inconvenance. Selon les règles de courtoisie de l’époque, il revient en effet non pas à l’expéditeur, mais au destinataire, d’acquitter l’affranchissement… Utiliser un timbre revient donc à suggérer que l’on estime ce dernier incapable de payer une aussi petite somme. Par ailleurs, certains usagers se montrent méfiants : si une lettre porte un timbre, se demandent-ils, la poste ne mettra-t-elle pas moins de zèle à trouver le destinataire, puisqu’elle n’aura pas à recouvrer d’argent auprès de lui ?
Dans ce contexte, il n’est pas exagéré de dire que le timbre-poste connaît en France un démarrage en douceur. Fin 1849, ce ne sont que 10 % des lettres qui sont expédiées avec un timbre et il faut attendre 1859 pour que la proportion s’inverse, avec 85 % de lettres affranchies. Quant au “20 centimes noir”, il disparaît des bureaux bien avant cette date, en octobre 1850. Pourquoi si tôt ? Tout simplement parce que la Poste s’est avisée que des usagers indélicats réutilisaient des exemplaires ayant déjà servi, la couleur noire du timbre rendant peu visibles les oblitérations.
Aujourd’hui, en tant que tout premier français, le “20 centimes noir” tient une place à part dans le coeur des collectionneurs. Avec un tirage de 41 698 800 unités (dont 31 000 000 effectivement vendues), il n’est pas devenu rare en tant que tel, mais de très nombreux philatélistes tiennent à en posséder au moins un exemplaire – ne serait-ce que pour l’émotion de le tenir entre leurs mains. Par ailleurs, il existe quelques pièces de prestige qui font s’envoler les prix… au premier rang les lettres porteuses d’oblitérations utilisées dans les premiers mois de l’année 1849.
En effet, si l’administration a tout prévu pour l’impression des timbres, il n’en est pas de même des procédés d’oblitération. Ainsi, la grille réglementaire n’apparaît dans les bureaux de poste à Paris que le 10 janvier, et plus tard encore en Province (quelques bureaux, en Creuse notamment, ne la reçoivent qu’en mars). Dans l’intervalle, plusieurs cas sont possibles : des timbres annulés par un cachet-dateur, un trait de plume, une “cursive” (c’est-à-dire un cachet portant le nom du bureau en écriture cursive), des oblitérations de fortune (c’est-à-dire réalisées avec ce qui tombait sous la main des employés des postes), ou encore plusieurs de ces moyens simultanément.

Lettre de Louppy (Meuse) pour Montmédy, affranchissement Cérès 20 c.
noir sur jaune oblitéré par la cursive du premier modèle « 53 LOUPPY ». Lot 40020 de la vente du 17 au 22 juin 2024 de la vente David Feldman.
Parmi ces multiples possibilités, les pièces parmi les plus recherchées sont celles portant une oblitération du tout premier jour d’utilisation des timbres en France, à savoir le 1er janvier 1849. Celle que nous vous présentons dans cet article est particulièrement intéressante pour plusieurs raisons : d’une part, parce que l’oblitération utilisée est le rare cachet au type 13, d’autre part en raison de sa qualité générale (timbre avec 4 marges égales et cachet bien frappé)… et enfin parce qu’il s’agit du seul premier jour connu du 20 c. noir originaire de la Côte d’or.
Source : Newsletter de la Maison calves